L'idée commune de la définition de la ligne est l'ensemble de points reliant deux points de l'espace par le trajet le plus court. Cette idée n'est pas fausse, mais largement restrictive. Paul Klee définissait la " ligne active " comme un " point non dimensionnel ", " entre les dimensions ", renvoyant à l'ordination d'une totalité du monde, au cosmos, que l'artiste oppose à l'indétermination du chaos. La ligne est ordonnée car elle est portée par ce que Deleuze nommait " l'inflexion ", c'est-à-dire le mouvement relatif, les variations, le flottement de l'objet par rapport au sujet. (Théorie de la Dynamique Objectile ; L'objet n'existe plus que dans la variation de ses profils et renvoie à une transformation constitutive du sujet.) Alors que c'est une relation sujet-objet fixe qui permit, via la perspective, de définir tous les rapports géométriques, notamment d'organisation et d'ordonnancement de l'architecture, on voit émerger par cette théorie une corrélation du sujet et de l'objet où le point de vue est porté par la variation. On peut alors imaginer la ligne par une formule bien plus précise. Il s'agit de la voir comme un trajet suivit par un point soumis à des forces, ces vecteurs définissant son inflexion (" curvature " pour Greg Lynn). Dans une géométrie Cartésienne, une ligne est droite car elle n'est soumise qu'à une inflexion unidimensionnelle. Mais les multiples paramètres que les nouveaux outils numériques nous permettent d'utiliser pour la conception d'espaces nous autorisent à définir une inflexion propre à chaque ligne. Par exemple, chez Klee ou Kandinsky, l'inflexion est mise en évidence par le dessin de flèches indiquant la tension constitutive, selon l'idée d'un " materiaux-force " Parallèlement, Henry Van de Velde, en 1902, dan son essai "Die Linie", apporte une vision tout à fait visionnaire de la ligne. Il la définit par " une force qui fonctionne de façon similaire à toutes les forces élémentaires (...). Quand je dis qu'une ligne est une force, c'est pour moi un constat factuel, la ligne tient son énergie de la personne qui la trace. De cette façon, rien n'est perdu de l'énergie ou de la force. " La ligne trouve ici son origine anthropomorphique, elle s'inscrit dans une métaphore de l'inflexion de l'énergie du corps en mouvement. Cette ligne qui condense à la fois l'énergie du corps et la dynamique de la cognition resurgie dans le domaine de la danse et de la chorégraphie. Dans les chorégraphies du XX siècle, elle va se retrouver technicisée, prise par le processus séquentiel de la machine d'Etienne Marey. Le corps transfiguré en objet cinématique, la ligne va réciproquement en optimiser la dynamique: c'est une ligne diagrammatique. On trouve un aboutissement rationnel extrême de cette conception dans le taylorisme des Gilbreth.
Ligne
Voir aussi :
[./courbe_courburepag.html]
Architectures Non Standard, Centre Pompidou, 2003
[./descartes_liebnizpag.html]
[./indexpag.html]
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